Le caractère prévisible de la rupture d’une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal en l’absence de préavis écrit et suffisant.
Selon l’article L 442-6 I 5° du Code de commerce, la rupture brutale d’une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, engage la responsabilité de son auteur.
■ Article L 442-6 du code de commerce
Dans un arrêt du 6 septembre 2016, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue préciser, de manière explicite, que même prévisible, la rupture peut être brutale si elle ne résulte pas d’un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis.
Une relation commerciale établie ne saurait donc être rompue sans préavis écrit et suffisant.
■ Com, 6 septembre 2016, n°14-25891
Antérieurement, dans un arrêt inédit du 15 mai 2007, la cour de cassation s’était déjà prononcée en faveur de la brutalité d’une rupture, bien que prévisible, dès lors qu’aucun préavis écrit n’avait été donné par l’auteur.
■ Com, 15 mai 2007, n°05-19370
Cette solution est conforme à la lettre de l’article L442-6, I, 5° du Code de commerce qui impose à l’auteur de la rupture d’une relation commerciale établie de notifier celle-ci par un préavis écrit devant tenir compte de la durée de la relation.
Mais elle peut paraître contradictoire avec la définition même de la « relation commerciale établie » qui suppose qu’elle soit régulière, significative et stable, autrement dit que rien ne permette à la victime d’anticiper sur la rupture et ses conséquences. :
« Afin de combiner le respect de la liberté contractuelle et les prescriptions de cet article, la doctrine et la jurisprudence limitent le domaine d’application de l’article L442-6, I, 5e du Code de commerce aux cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial. Cette anticipation raisonnable peut être démontrée en s’appuyant sur l’existence d’un contrat dont l’échéance est postérieure à la date de la rupture ou sur une pratique passée dont la partie victime de la rupture pouvait inférer que sa relation que commerciale s’instaurait dans la durée. »
- Ann. Cour de Cassation 2008 p 306 et 307, Com. 16 déc. 2008 n° 07-15589
La rupture de relations commerciales établies, bien que prévisible, doit pourtant, d’après l’arrêt du 6 septembre 2016, être matérialisée par écrit et respecter un délai de préavis suffisant pour ne pas être considérée comme brutale.
A défaut, la rupture brutale donnera lieu à réparation du préjudice subi.
La cour de cassation a précisé que le préjudice est celui causé par la brutalité de la rupture et non par la rupture elle-même.
■ Com, 10 février 2015, n°13-26414
La brutalité de la rupture est réparée par l’octroi d’une indemnité égale à la marge brute perdue – et non au chiffre d’affaires – sur la période de référence que constitue la durée du préavis dont la victime a été privée.
Vraisemblablement, le caractère prévisible de la rupture pourrait permettre de réduire sa durée.
Un préavis écrit doit cependant, en tout état de cause, être donné.
NB : Il est à rappeler que l’article L 442-6 I 5°du Code de commerce s’applique à toute relation commerciale établie, qu’elle porte sur la fourniture d’un produit ou une prestation de services, et qu’il intéresse y compris des personnes non commerçantes.
Comments are closed.